Illustration (Freepik / ImmoPotam).

Jacques Ehrmann (Altarea) peste contre la multiplication des normes

Pour Jacques Ehrmann (Altarea), vouloir multiplier les normes environnementales quand les ménages n’ont plus de pouvoir d’achat et que les promoteurs ne parviennent plus à vendre, cela est très contre-productif. Aujourd’hui, les promoteurs produisent des logements avec la norme la plus qualitative d’Europe sans parvenir à vendre. A vouloir persévérer sur les normes environnementales, cela aura des conséquences sur le plan social.

Les promoteurs immobiliers, quelles que soient leurs tailles, sont aujourd’hui en grande difficulté, comme l’a encore expliqué dernièrement Pascal Boulanger, le président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI). On se rend compte que toutes les étapes de la construction à la commercialisation tournent en net ralenti car les acquéreurs ont un véritable problème de pouvoir d’achat. Pour Jacques Ehrmann, les promoteurs immobiliers sont aussi responsables de cette situation puisqu’ils ont eux-mêmes produit des logements trop chers qui ne se vendent plus à présent. Ils ont maintenant un double problème (de flux et de stock) et doivent se débrouiller pour se sortir de cette spirale négative. Pour cela, ils n’ont pas d’autre choix que de baisser les prix et de vendre à marges réduites ou à pertes. Mais le directeur général d’Altarea estime que les promoteurs doivent aussi revenir aux fondamentaux en produisant des logements qui répondent à un besoin et qui sont en adéquation avec les capacités financières des acquéreurs. Pour ne plus se retrouver dans la situation délicate de vendre des programmes trop chers, il estime qu’il faut produire des logements optimisés, éviter les architectures onéreuses et cesser d’accumuler les normes à un rythme infernal. Il rappelle que pendant dix ans, la production de logements neufs s’appuyait sur une norme RT2012 et s’étonne que l’on cherche à rattraper le temps perdu dans un contexte défavorable : alors que les ménages ont un problème de pouvoir d’achat, on défend la norme RE2020 qui est beaucoup plus coûteuse que la norme précédente. Pour Jacques Ehrmann, le danger est de vouloir défendre à tout prix de nouvelles normes environnementales, qui sont déjà parmi les meilleures d’Europe, sans tenir compte des enjeux sociaux et économiques : si les ménages ne peuvent plus acheter et que les promoteurs ne parviennent pas à vendre, le marché immobilier reste sévèrement grippé.

Quand tout était facile, ces dix dernières années, on n’a rien fait, en partie à cause des climato-sceptiques, et on est resté très longtemps sur une norme qui datait de 2012. On a attendu 2022 pour avoir la suivante. Ca tombe mal : 2022, c’est la crise. On a sorti une norme qui coûte 8-10% de plus, qui crée un surcoût de 8-10% au moment où les gens avaient des problèmes de pouvoir d’achat. On a tout fait à l’envers : pendant dix ans, c’était facile, on n’a rien fait pour l’environnement. On a accumulé les coûts, les contraintes et les impôts. Et maintenant qu’il y a des vrais sujets de pouvoir d’achat, on essaie de rattraper le temps perdu, on met une norme tous les deux ans. C’est juste beaucoup trop rapide, le temps ne se rattrape pas. […] Le secteur, qui produit déjà avec la norme RE2020 (échelon 2022), c’est la norme la plus exigeante d’Europe. Déjà, on est exemplaire dans ce que l’on fait aujourd’hui. On vise quelque chose d’encore mieux en 2028-2031 (et encore mieux après). Il ne faut pas aller plus vite que la musique, sinon vous asphyxiez le secteur. Trop d’environnemental, quand cela crée des problèmes sociaux, qui ne peuvent plus acheter, ou des problèmes économiques avec une filière au bord de la faillite, c’est finalement très contre-productif“, estime Jacques Ehrmann, le directeur général d’Altarea, sur les ondes de Radio Classique. Dans ce contexte, de nombreux promoteurs se trouvent en grande difficulté et n’ont pas d’autre choix que de réaliser des coupes dans leurs effectifs, à l’image de Bouygues Immobilier, Nexity et Vinci Immobilier. Depuis plusieurs semaines, Grégory Monod (Pôle Habitat FFB) redoute un risque de mouvement social si le gouvernement réanime pas cette industrie qui représentait 22% du PIB en 2022. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) annonce depuis des mois une catastrophe sociale à venir avec la destruction de 90.000 emplois cette année ou jusqu’à 150.000 postes menacés d’ici 2025. Gabriel Attal, conscient des obstacles administratifs, veut fluidifier les normes pour redynamiser le marché de l’immobilier et de la construction.

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Emma Petit-Berthelot

Contributrice pour ImmoPotam.com. Sujets de prédilection : emploi, Ile-de-France, ancien / récent, loi Carrez, prêt classique... Tous ses articles