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Pourquoi faut-il attendre 2027 pour espérer qu’un gouvernement fasse quelque chose pour l’immobilier ?

Depuis des mois, nous entendons tous les jours des professionnels de l’immobilier pleurer sur leur sort. Tous, sans exception, viennent raconter à qui veut l’entendre que notre pays est chargé de normes, que tout est trop cher, que le fiscalité est trop punitive, que le foncier est rare et que la main d’œuvre est trop difficile à trouver. Et pour ne rien arranger, on invite aussi à la table des jérémiades les acteurs du monde bancaire qui viennent ajouter que les taux d’intérêts sont particulièrement élevés et qu’ils n’incitent pas les ménages à passer à l’action. Et s’il y en a quand même un qui veut emprunter, la banque n’a pas spécialement envie de lui prêter…

Bien évidemment, pour le commun des mortels, personne n’a envie de s’apitoyer sur la destinée peu heureuse d’un capitaliste-bétonneur. Parce que bon, l’argent en France, c’est soit un tabou, soit une vulgarité. Et que le béton, ce n’est pas bien : ça détruit l’environnement des animaux. Et nos enfants, ils aiment les ours polaires. Et puis bon : quand on parle d’immobilier, on pense tous que le quotidien d’un agent est de s’émerveiller devant une double-vasque et de palper ses 30k€ d’honoraires pour trois blagues recyclées. Donc très clairement, l’immobilier, d’un point de vue électoral : moins on en fait et mieux on se porte.

Emmanuel Macron : le Mozart de la Finance. Vraiment ?

Depuis des années, on nous présente Emmanuel Macron comme le Mozart de la Finance. Derrière cette expression plutôt flatteuse, on nous annonce un homme au destin hors-normes et au sens des responsabilités sans commune mesure pour servir la nation. Capable d’unir la droite comme la gauche, sa fonction, qui l’honore et qui l’oblige, le place de facto au-dessus de la mêlée, tel un capitaine de rugby qui fait le jeu pour aider ses partenaires à briller. Mais si l’expression est belle, il semblerait que notre Mozart de la Finance ait surtout hérité des oreilles de Beethoven. Au milieu du stade, il n’entend plus le brouhaha qui se dégage des tribunes. Trop de bruit tue le bruit.

Quand on lui demande son avis sur l’immobilier, disons-le franchement : il en a un. Mais on sent que ce n’est pas vraiment son truc. Il est président de la République mais il est propriétaire de rien. Il a bien quelques crédits sur le dos, qu’il pourrait avoir fini de rembourser avant la fin de son mandat. Mais non, il n’a pas un duplex à son nom dans les beaux quartiers de la capitale, un investissement locatif dans une France périphérique pour préparer sa retraite, ni-même une résidence secondaire dans une station balnéaire. Pour lui, l’immobilier, c’est d’abord un paradis pour les investisseurs. LOL. Ou alors, il faudrait qu’on se mette d’accord sur la définition du paradis ! Parce que moi, on m’a toujours dit que ce serait moins pénible au soleil.

Son truc à lui, ce serait plutôt les produits financiers : comptes-titres, PEA, assurance-vie et plein d’autres produits d’épargnes pour une valeur globale déclarée en 2022 supérieure au demi-million d’euros. C’est autre chose que Mme Michou qui galère tous les mois pour déposer 20€ sur le Livret A du fiston. Factuellement, on a un président qui n’est pas emballé par l’immobilier : il y a zéro jugement. Forcément, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il fasse des miracles, ou qu’il demande à son gouvernement de trouver des solutions, pour un sujet qui ne le passionne pas. C’est comme si moi, on me consultait pour ouvrir une fromagerie : je sais qu’il y a plein de gens qui adorent le fromage, que cela fait partie de notre patrimoine national et pourtant ce ne sera jamais mon dada.

En 2027, le gouvernement actuel sait qu’il devra faire ses cartons

Sauf retournement de situation exceptionnelle, il est très peu probable qu’Emmanuel Macron se retrouve à diriger un pays avec un gouvernement d’opposition. Tout citoyen de plus de 30 ans se rappelle de la folie de Jacques Chirac qui avait fait le choix de congédier l’impopulaire Alain Juppé pour se retrouver avec le socialo-didactique Lionel Jospin. Boum : coincé pendant presque cinq ans. A moins d’être frappé par une Chiraquie aigue, Emmanuel Macron n’a donc aucun intérêt à dissoudre l’Assemblée Nationale avant 2027. Globalement, un ministre moyen au gouvernement, celui qui se comporte comme un bon soldat, qui fait le taf mais sans trop se mouiller, a quasiment la certitude de rester au chaud jusqu’à la fin du mandat. Et il repartira avec un maximum de points pour une retraite dorée.

Il était une époque où un ministre du Logement, même délégué ou secrétaire d’Etat, avait quasiment l’assurance de laisser son patronyme à une loi défiscalisante. Pierre Méhaignerie, Pierre-André Périssol, Louis Besson, Gilles De Robien, Jean-Louis Borloo, Christine Boutin, Cécile Duflot, Sylvia Pinel, Emmanuelle Cosse, Julien Denormandie : tous ont trouvé le moyen d’entrer dans la postérité immobilière en posant leur nom sur une loi plus ou moins efficace. Certains ont même juste eu à décliner très légèrement la version rédigée par leur prédécesseur pour s’attribuer tout le mérite. Les meilleurs politiciens sont parvenus à entrer au Panthéon de l’immobilier tel André Malraux qui œuvre encore aujourd’hui pour la sauvegarde du patrimoine plus de soixante ans après la promulgation de sa loi éponyme ou Gilles Carrez qui a tout modestement instauré une unité de mesure dans les copropriétés.

Ces dernières années, Emmanuelle Wargon, Olivier Klein et Patrice Vergriete sont entrés au gouvernement sans même chercher à marquer l’histoire d’une empreinte personnelle. Leur modestie les honore, comme un soldat inconnu. Mais bon, dans le monde de l’immobilier, on préférerait sans doute plus d’efficacité, qu’importe si cela pouvait aussi flatter l’ego d’un ministre. Aujourd’hui, on a un ministre délégué au Logement. Les mauvaises langues diront que ce n’est même pas un vrai ministre. Les plus moqueurs le présenteront comme le ministre de la Crise Immobilière.

Or, factuellement : c’est ce qu’il est, ministre délégué de la Crise Immobilière. Tout va mal et tout le monde se plaint. Contrairement aux humains, le chiffres ne mentent pas. Promoteurs, agents, courtiers et même les notaires : tous s’unissent pour tirer la sonnette d’alarme. Depuis le temps qu’elle est tirée, il est surprenant qu’elle puisse encore fonctionner. On a en France des notaires qui se plaignent : c’est dire à quel point la situation est délicate. Des notaires qui se plaignent. On parle de la profession la plus discrète de France : des gens de bonne famille, à l’enfance heureuse, à l’éducation avancée dans un décor bien loin des véritables soucis financiers, en sont eux aussi à s’inquiéter pour leur avenir, à ne pas pouvoir se verser de salaire et à ne pas remplacer des départs plus ou moins volontaires… Et là, les solutions proposées par nos représentants au gouvernement : remodeler un Prêt à Taux Zéro (PTZ) avec des histoires de zones et de paliers dégressifs en fonction d’un revenu fiscal de référence, complexifier un dispositif Pinel qui nécessite un doctorat en ingénierie financière pour pouvoir le présenter correctement à la vente, maintenir la norme Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) dans un monde où la matière première est beaucoup trop chère, assouplir des règles contraignantes dictées par un Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) qui n’a pourtant jamais montré sa valeur ajoutée depuis sa création, envisager de retravailler le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) après des mois de tâtonnement… Et, comme si cela ne suffisait pas, pour faire plaisir à une partie de l’industrie immobilière, on rachète à prix d’or, avec l’argent des contribuables, le stock d’invendus des promoteurs immobiliers, empêchant le marché de se réajuster de lui-même, maintenant les prix à des niveaux élevés et qui ne se vendent plus. Ce stock d’invendus servira alors à alimenter une France exclue de la propriété. Et pour calmer le Français qui est trop riche pour être en HLM ou trop pauvre pour être propriétaire : on exporte un système anglo-saxon avec le Bail Réel Solidaire (BRS), qui est à l’immobilier ce que le Canada Dry est à l’alcool.

Pour atteindre ce niveau de complexité, cela prouve deux choses. Que ceux qui prennent ces décisions ne se sont jamais intéressés à la réalité du terrain (d’un autre côté, un ministre d’Etat n’a pas besoin de connaître les barèmes du PTZ, c’est fait pour des Français qui ne sont pas dans son cercle). Ni même qu’ils n’ont eu besoin de présenter en public les mesures qu’ils veulent mettre en place : personne en France n’est capable aujourd’hui de parler du Pinel Plus sans bégayer, pas même Sylvia Pinel qui se retrouve à laisser son blase à un dispositif qu’elle n’a même pas imaginé…

Gneu-gneu : au lieu de râler, tu proposes quoi ?

Au lieu de compliquer la vie des Français, ne serait-il pas plus pragmatique de pondre deux ou trois idées simples ? Il existe à Bercy un ministre de l’Economie et des Finances qui aime plus la littérature que l’économie et les finances. Regardons dans les archives ce qui a déjà bien marché dans le passé, dépoussiérons tout cela en remettant les bonnes idées au goût du jour et voyons comment cela se passe. En lisant un dictionnaire d’Economie, on doit bien trouver une bonne idée sans avoir l’impression d’inventer l’eau tiède. Et qu’on ne vienne surtout pas nous dire que l’immobilier coûte cher à la nation : il suffit de regarder les chiffres pour ceux qui auraient un doute.

Dans un passé pas si lointain, Pierre-André Périssol avait créé le loi Périssol : aujourd’hui, ce serait un best-seller fiscal. On pourrait l’appeler le dispositif Vergriete. Ce serait un truc sans grand calcul savant, il n’y aurait pas besoin de connaître le sinus du mur porteur exposé le plus au Nord pour déterminer la réduction d’impôt lissée sur une demi douzaine d’années. Les loyers n’auraient pas à être plafonnés puisque le marché s’en chargerait naturellement. Et le bailleur pourrait louer l’appartement à son enfant (légitime ou illégitime, ça intéresserait seulement Closer) que ce ne changerait en rien l’avantage fiscal obtenu.

On parle aussi d’une population française de plus en plus vieillissante. Aujourd’hui, le viager est sans doute la branche de l’immobilier qui résiste mieux à la crise immobilière. Jusqu’à présent, on a toujours proposé des dispositifs fiscaux généralistes en faveur d’une population d’actifs. Pourquoi ne pas mettre en place un véritable produit défiscalisant grand public orienté sur l’aide à la personne, en faveur de nos aînés ? Il y a bien des tentatives qui ont été faites par le passé (et même encore aujourd’hui), mais de manière beaucoup trop confidentielle. Les résidences seniors, ça a toujours été quelque chose réservé à des initiés où le ticket d’entrée est trop élevé pour intéresser le cadre moyen. Il faudrait une mesure simple, accessible et compréhensible par tous. Une sorte de Robien destiné à l’habitat des seniors et financé à travers une réduction d’impôt facile à calculer pour un CSP intermédiaire… En faisant quelque chose de généraliste destiné aux plus âgés, on pourra créer une véritable dynamique et sortir de cet habitat de bricolage destiné aux vieux, entre le monte-charge greffé à l’escalier qui n’a jamais fait rêvé personne ou la pseudo douche à l’Italienne qui ne donne certainement pas envie de faire sa toilette…

Mais comme la France des propriétaires n’est pas faite uniquement de multi-bailleurs, on pourrait réduire la fiscalité. Je ne vais pas suggérer un geste sur la taxe foncière : tout le monde a parfaitement compris que cet impôt servait encore plus à matraquer une France de propriétaires pour donner davantage de répits à ceux qui se plaisent dans l’assistanat et les minimas sociaux. Je pense surtout aux frais de notaire et à la TVA pour qu’ils profitent au plus grand nombre tout en redonnant du pouvoir d’achat aux ménages. Il vaut mieux prendre un petit pourcentage sur quelque chose qui se vend qu’un gros pourcentage sur un produit qui n’intéresse plus personne !

Au lieu de cela, on tâtonne sur des mesures approximatives sans chercher à trop en faire. Mais celui qui croit que, en ne faisant rien, il ne risque pas se tromper est déjà dans l’erreur et c’est sans doute déjà trop tard…

Guillaume Blanc

Fondateur d'ImmoPotam.com. Sujets de prédilection : neuf / VEFA, Pinel, PTZ, déficit foncier, Ile-de-France... Tous ses articles