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VEFA / CCMI : que faire en cas de retard de livraison ?

Personne n’aime le retard. Il agace, il impatiente, très clairement, il énerve. En réalité, même le retardataire n’aime pas le retard ! Et pourtant, il existe. Il existe même assez couramment lorsque l’on parle de Vente en l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA) ou de Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI). Dans ce domaine, le retard est quasiment usuel, il relève de l’habitude. D’autant plus avec la crise sanitaire, les raisons du retard sont de plus en plus aisées, servies sur un plateau l’excuse du Covid. Or, en la matière, il existe des retards qui font plus qu’agacer l’acquéreur. Des retards qui coûtent chers et dont l’indemnisation peut être légitiment réclamée au promoteur.

Ilka Chase disait que “voyager, c’est comme construire une maison, ça coûte toujours plus cher que prévu“. Quelle ironie ! Surtout quand on sait que votre contrat de vente, régulièrement authentifié par un notaire, prévoyait un délai de livraison au premier trimestre de l’année dernière. En dépit de cela, votre vendeur, petit promoteur du quartier, ne semble pas plus inquiet et multiplie les alibis, plus pénibles les uns que les autres. Alors que faire ? Tout d’abord, il faut savoir, qu’il s’agisse d’une VEFA ou d’une CCMI, la règlementation du Code de la construction et l’habitation impose au promoteur de fixer un délai de livraison dans le contrat de vente. Cependant, étant donné la difficulté à prédire une date exacte de livraison, la jurisprudence tolère qu’au lieu d’une date précise soit plutôt fait référence à une période de livraison, comme un trimestre. Ensuite, il faut savoir que si les pénalités de retard sont obligatoires en matière de CCMI, elles ne le sont pas pour la VEFA. En outre, quand bien même seraient-elles prévues ou imposées, elles peuvent être limitées judiciairement en cas de montants excessifs. Nous reviendrons dessus dans la suite des développements. Enfin, il ne faut pas ignorer que la majorité des contrats de vente sur plans prévoient des excuses exonératoires, visant à anticiper les retards de livraison. La Cour de Cassation comme la Commission des Clauses Abusives ne considèrent pas ces clauses comme disproportionnées au regard des droits et obligations du consommateur acquéreurs. Elles ne sont donc pas annulables, pas même celles qui prévoient de doubler le temps de livraison en cas de la survenance d’un événement précisément mentionné. Aussi, une double interrogations se posent lorsque le retard vous cause un préjudice. Quel retard est indemnisable ? Quel préjudice peut être indemnisé ?

I. Quel retard est indemnisable ?

La question est en réalité tronquée. Pour apprécier l’ouverture d’un droit à indemnisation en cas de retard de livraison d’un bien à construire, il faut raisonner par la négative et exclure les raisons qui, justement, ne permettent pas un droit à indemnisation.

  • La force majeur

Définie à l’article 1218 du Code civil, elle doit être caractérisée par la survenance d’un événement irrésistible, imprévisible et extérieur au contrat. En d’autres termes, l’incident doit être d’une telle ampleur qu’il paralyse l’exécution de la construction et contraint à sa suspension. A ce titre, le Covid a pu être, dans une certaine mesure, considérée comme un évènement de force majeur. Toutefois, cette épidémie étant désormais entrée dans le logiciel de tout un chacun, elle n’est plus une excuse valable à l’heure actuelle.

  • La faute du maître d’ouvrage

C’est un classique en matière de responsabilité civile délictuelle. La faute de l’acquéreur, ci-dénommé maître d’ouvrage, est une excuse valable à un retard de chantier. Personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Aussi, a été excusé un retard dû au changement de plan par l’acquéreur en cours de chantier. De même qu’un retard ou un refus de paiement des échéances contractuelles a pu déterminer l’absence de faute du promoteur. Aussi, avant d’engager une quelconque responsabilité, il convient de vérifier qu’aucun acte de la part de l’acquéreur a été de nature à entraîner le retard reproché.

  • Les causes légitimes de suspension

Elles sont le marronnier du contrat de VEFA, son incontournable. Comme vu en introduction, elles ne sont pas considérées comme abusives et peuvent inévitablement exonérer la responsabilité du constructeur. En voici une liste non exhaustive :

    • Les grèves (qu’elles soient générales, particulières au secteur du bâtiment et à ses industries annexes ou à ses fournisseurs ou spéciales aux entreprises travaillant sur le chantier)
    • Les intempéries et phénomènes climatiques, retenus par le maître d’œuvre de l’opération et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier
    • Tous retards résultant du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire, de la sauvegarde ou d’une simple défaillance des ou de l’une des entreprises, de leurs fournisseurs ou sous-traitants, ainsi que le retard entrainé par la recherche ou la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à l’une ou aux entreprise(s) défaillante(s) ou dont le marché a été résilié
    • Les difficultés d’approvisionnement
    • Une injonction administrative ou judiciaire de suspendre les travaux
    • La résiliation d’un marché de travaux subie par l’entreprise
    • Le retard consécutif aux concessionnaires du service public
    • Les imprévus dans le déroulement des fondations ou terrassements (tels que la découverte de zones de pollution ou de contaminations des terrains d’assiette de l’opération ou d’anomalies du sous-sol, etc.), ou encore résultant de fouilles archéologiques
    • Les troubles résultant d’accidents de chantier, hostilités, révolutions, mouvements de rue, attentats, cataclysmes ou catastrophes naturelles ou non…
    • Les troubles résultant d’épidémies, infections endémiques, pandémies (étant entendu que les mesures de lutte contre la propagation du virus Covid-19 correspond à cette définition sans être limitatif)
    • Les retards causés par le déroulement de manière concomitante de chantier voisin (difficulté d’accès, impossibilité d’installer des grues…)
    • Les retards imputés à tous éléments imprévus tels que l’occupation, le squat et la non-libération des lieux, les sinistres occasionnant un arrêt partiel ou total du chantier, les vols, dégradations et actes de vandalisme sur le chantier
    • L’incidence de la demande de travaux complémentaires ou modificatifs par l’acquéreur

Cependant, même si ces causes sont exonératoires de responsabilité, le constructeur a l’obligation d’en informer l’acquéreur et d’en justifier. Le cas échéant, il devra démonter, à l’appui de documents (relevés météorologiques, jugement d’ouverture d’une procédure collective d’une des entreprises du chantier…) de sa bonne foi et du lien de causalité avec le retard. A défaut, la responsabilité pourra être imputée.

II. Quel préjudice peut être indemnisé ?

Sur cette question, deux cas doivent être envisagés.

  • Le contrat prévoit des pénalités de retard

En matière de CCMI, elles sont obligatoires et ne peuvent être inférieures à 1/3.000e du prix convenu par jour de retard (Article R.231-14 du Code de la Construction et de l’Habitation). Elles peuvent également être prévues dans le contrat VEFA. Toutefois, rappelons que ces indemnités ne s’appliquent pas en cas de cause exonératoire. En outre, elles peuvent être modérée par le juge, à la hausse mais également à la baisse. C’est ce que prévoit l’article 1231-5 du Code civil, relatif au clause pénale : “le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire“.

  • La responsabilité civile délictuelle

C’est évidemment le fondement le plus couramment utilisé. Au visa des articles 1240 et suivants du Code civil, celui qui par sa faute commet un préjudice à quelconque doit le réparer. Il est dès lors de la charge de l’acquéreur préjudicié de prouver la faute, le préjudice et le lien de causalité imputables au promoteur.

  • Quel est la nature du préjudice

Il est évidemment de plusieurs ordre et il est possibles de citer quelques exemples typiques.

    • Frais de location supplémentaires engendrés par le retard de livraison
    • Perte de revenus locatifs
    • Perte d’un avantage fiscal (type Duflot ou Pinel)
    • Location d’un garde-meubles
    • Frais d’emprunts supplémentaires
    • Frais intercalaires

En tout état de cause, avant d’engager une quelconque procédure judiciaire, le retard de livraison doit être analysé par un avocat afin d’envisager les chances de succès et l’opportunité d’une action. En outre, l’avocat adressera préalablement une mise en demeure à l’encontre du promoteur de se justifier. Sur la base des documents adressés, il sera en mesure de se positionner et de vous conseiller.

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Charles Dulac

Fondateur de Dulac Avocat et contributeur pour ImmoPotam. Sujets de prédilection : copropriété, syndic, résidence principale, investissement locatif, Ile-de-France... Tous ses articles Le contributeur est enregistré sous l'identifiant SIREN n°827.880.261.