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Copropriété : comment contester une assemblée générale ?

Qu’est-ce que la copropriété, si ce n’est un système quasi démocratique ? A sa tête un syndic, élu et dépendant d’un mandat, un organe gouvernemental, en la présence du conseil syndical avec un président en qualité de premier ministre porte-parole, et finalement la plèbe, soit l’ensemble des copropriétaires.

A ce titre, comme toute démocratie, la copropriété doit se réunir pour décider. C’est ainsi qu’annuellement est organisée une assemblée générale, sorte d’Assemblée Nationale des copropriétaires, qui doit permettre tout d’abord de valider les comptes du syndicat et de renouveler la confiance au syndic (ou pas). Elle est également l’occasion d’évoquer toutes les questions courantes de la vie de l’immeuble, des travaux à effectuer dans les parties communes au renouvellement de la loge du gardien, mais également de traiter des problématiques plus complexes comme, et c’est d’actualité, la refonte du règlement de copropriété en fonction des dernières évolutions légales.

Or, comme dans toute démocratie, la majorité l’emporte. Cette règle vise naturellement à favoriser la prise de décision mais, comme on peut s’y attendre, génère inévitablement le désappointement voire l’animosité. Il n’est malheureusement pas rare d’observer une assemblée générale basculer dans un pugilat de copropriétaires. Pour éviter cela, étant donner que mon rôle de conseil ne peut se résoudre à prendre les armes, il existe évidemment un moyen légal de contester une décision que l’on trouve injuste. Toutefois, les actions en la matière doivent être justifiées, au risque de les voir se retourner contre soi. Voici donc quelques conseils en la matière.

Quand contester ? Dans un délai de deux mois

En ce sens, l’article 42 alinéa 2 de la Loi du 10 juillet 1965 dispose : “Les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale“.

Il doit donc être compris que le délai pour contester une assemblée générale est de deux mois. Néanmoins, comme pour toute computation de délai ce qui compte, au-delà de la durée, est le point de départ. En l’espèce, le délai court à partir de la notification du procès-verbal. Plus précisément, à compter du lendemain de la première présentation postale dudit acte (article 64 du décret du 17 mars 1967). De ce fait, si le procès-verbal vous a été notifié le 25 septembre 2022, vous avez jusqu’au 26 novembre de la même année pour introduire une action en contestation. Mais, si le procès-verbal n’a jamais été envoyé, alors le délai ne court pas et vous pouvez contester quand bon vous semble dans le délai de prescription de droit commun de cinq années (article 2224 du Code civil).

Où contester ? Devant le tribunal du lieu de situation de l’immeuble

En application des règles du Code de procédure civile et du code de l’organisation judiciaire, le tribunal judiciaire du ressort du lieu de situation du bien est compétent pour connaître des contestations d’assemblée générale. De fait, si l’immeuble se trouve, par exemple, à Antony (Hauts-de-Seine), le tribunal judiciaire de Nanterre sera compétent. La procédure devant le tribunal judiciaire est écrite et suppose une postulation obligatoire de l’avocat. Cela signifie qu’elle ne pourra être introduite que par un avocat inscrit dans le ressort du barreau du tribunal ou compétent pour y postuler (étant précisé que les avocats en Ile-de-France bénéficient d’une multipostulation, ce qui permet à un avocat parisien de plaider dans les autres départements limitrophes). Pour précision, la cour de cassation a admis que les actions de ce type soient introduites devant une juridiction inférieure, tel qu’un tribunal de proximité (celui d’Antony par exemple). Si la procédure y est orale et n’impose pas la représentation d’un avocat, je ne saurai toutefois que vous déconseiller de vous lancer dans ce type de procédure complexe. Enfin, la contestation de l’assemblée générale doit être exercée par voie d’assignation à l’encontre du syndicat des copropriétaires, ce qui a pour conséquence de suspendre les délais de prescription.

Qui peut contester ? Tout copropriétaire opposant ou défaillant

A l’inverse, cela veut dire deux choses. Tout d’abord, l’action est attitrée et de ce fait toute personne qui n’est pas propriétaire d’un lot ne peut pas contester l’assemblée générale. Ainsi, un locataire, le syndic, un groupement de défense des copropriétaire ou encore un indivisaire qui agit seul, sans l’accord des autres propriétaires indivis, ne pourra pas exercer le recours. En revanche, le vendeur pourra solliciter l’annulation de l’assemblée générale sous laquelle il était encore propriétaire. Ensuite, le copropriétaire doit être opposant ou défaillant :

– opposant : il doit avoir voté contre la résolution qu’il conteste. N’est donc pas opposant celui a voté favorablement (sauf si la résolution a été rejetée) ou celui qui a voté sous condition. Il en est de même pour le copropriétaire représenté qui est lié par le vote de son mandataire et ne pourra que se retourner contre lui.
– défaillant : est défaillant tout copropriétaire qui n’était ni présent, ni représenté à l’assemblée générale. Cela doit également s’appliquer pour celui qui quitte l’assemblée générale avant la fin. Ce dernier ne pourra cependant contester que les décisions prises postérieurement à son départ et non celle antérieures pour lesquelles il aurait voté favorablement. Enfin, le copropriétaire qui s’est simplement abstenu de voter ne doit pas être considéré comme défaillant et ne pourra pas contester l’assemblée générale.

Que contester ? Les motifs d’annulation

Si les raisons de contester une assemblée générale de copropriétaires sont diverses, il existe en réalité deux types de contestation : les irrégularités de fond et celles de forme.

Les irrégularités de fond vont surtout concerner les règles de majorité. La loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application du 17 mars 1967 prévoient des majorités différentes en fonction de la nature de la décision. Aussi, une décision concernant la vie courante de la copropriété sera adoptée à la majorité simple tandis qu’une décision portant atteinte à des parties communes sera prise à la majorité renforcée des deux tiers. En tout état de cause, si ces règles ne sont pas respectées, tout copropriétaire sera en droit de contester la résolution irrégulière.

Les irrégularités de forme sont quant à elles relatives à la tenue même de l’assemblée générale. De ce fait, un défaut de signature du procès-verbal, un manquement aux règles de scrutateur ou de président de séance pourra être excipé. Dans ce cas, un tel vice pourra entacher l’intégralité de l’assemblée générale.

A titre subsidiaire, il doit être considéré comme motif d’annulation l’abus de majorité. Cette notion prétorienne, issue de l’application de la responsabilité civile délictuelle de droit commun (articles 1240 et suivants du Code civil), se qualifie comme le fait d’adopter une décision contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires. Cette dernière solution, pourtant majoritairement usitée dans les dossiers de contestation, doit à mon sens être utilisée avec parcimonie car, si elle justifie l’octroie de dommages-intérêts au copropriétaire lésé, elle peut se retourner à l’encontre du copropriétaire qui l’utilise excessivement pour écarter une résolution qui ne lui convient pas mais adopté à la majorité.

Quelles conséquences ? La nullité et des dommages-intérêts

La principale conséquence est simple : l’annulation de la résolution. En outre, si cette dernière entache toute l’assemblée générale, c’est donc l’ensemble des votes des copropriétaires qui est annulé. Le recours en contestation d’une assemblée générale n’étant pas suspensif, les décisions qui auraient pu être exécutées (travaux par exemple) devront être remise à l’état d’origine. Toutefois, pour la cohérence de la copropriété, les travaux d’une certaines ampleurs (visés aux articles 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965) doivent être suspendus le temps de purger le délai de contestation. La seconde conséquence découle de l’existence d’un préjudice subi par le copropriétaire contestataire, lié directement à la résolution viciée. L’octroi de dommages-intérêts suppose pour lui de démontrer l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité. La jurisprudence des tribunaux n’est pas toujours très encline à accorder des dommages-intérêts conséquents.

En définitive, l’action en contestation d’assemblée générale nécessite un certain niveau de technicité et induit une connaissance accrue des règles de copropriété. La saisine d’un avocat, avant obligatoire et souvent usitée, ne peut qu’être recommandée. D’autant qu’une action injustifiée expose le requérant à une amende civile pour procédure abusive ou dilatoire (article 32-1 du Code de procédure civile). Aussi, en copropriété comme en démocratie, la parcimonie est de mise.

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Charles Dulac

Fondateur de Dulac Avocat et contributeur pour ImmoPotam. Sujets de prédilection : copropriété, syndic, résidence principale, investissement locatif, Ile-de-France... Tous ses articles Le contributeur est enregistré sous l'identifiant SIREN n°827.880.261.