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Travaux : les règles de changement d’affectation d’un logement

Sur le papier, on vous comprend : las de la vie de bureau, de cette routine infernale et de la paperasse administrative, vous souhaitez vous reconvertir. Et pourquoi pas la pâtisserie ?! Fier de cette merveilleuse idée et de votre dernier cours sur la confection des choux à la crème, vous vous lancez dans ce beau projet. Le problème, vous n’avez pas de local. Et vous vous dites que votre logement, situé au rez-de-chaussée de votre immeuble, serait la boulangerie idyllique. En réalité, c’est bien là le problème.

Pourtant, avec votre formation de juriste, vous en êtes certain, le droit de propriété en France, c’est sacré ! Chacun peut disposer librement de son logement, sous réserve de ne pas porter atteinte à celui d’autrui. Or, une boulangerie, ça sent bon le pain, tout le monde aime… Tout va pour le mieux. Sur cette base, vous vous lancez dans le projet et faites appel aux entrepreneurs les plus compétents. Sur ce coup, pas d’abandon de chantier en vue, vous êtes apaisé. Les travaux débutent et, pour chance, votre appartement est idéal pour une boulangerie. Aucun mur porteur à détruire, pas besoin de toucher à la façade l’immeuble, aucune trémie à réaliser… Finalement, il ne s’agit que d’une simple rénovation. De ce fait, vous n’entendez faire aucune demande d’urbanisme et vous vous contentez de coller un mot manuscrit dans l’ascenseur pour informer les voisins de vos travaux. Et là, c’est le drame. Le jour de la réception du four à pains ! Sur votre palier, un inspecteur de l’urbanisme, le syndic de la copropriété accompagné d’un huissier et, même, un membre de la chambre professionnelle des artisans boulangers-pâtissiers. Tous veulent vous faire fermer boutique. Rassurez-vous, tout cela est évitable. Tout du moins en amont. Car le changement d’affectation d’un local nécessite des autorisations de plusieurs ordres qui permettent, justement, de ne pas aboutir à une situation contentieuse.

I. Le changement d’affectation : le respect des règles d’urbanisme et de construction

Lorsque que l’on parle de changement d’affectation, on englobe largement deux notions distincts mais complémentaires : le changement de destination et le changement d’usage.

  • Le changement de destination : il s’agit ici d’une règle urbanistique. L’article R.151-27 du Code l’urbanisme définit cinq types de destination :
    1- Exploitation agricole et forestière
    2- Habitation
    3- Commerce et activités de service
    4- Equipements d’intérêt collectif et services publics
    5- Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire

Ces cinq classes sont elles-mêmes déclinées en vingt-et-unes autres sous-sections (article R. 151-28 du Code de l’urbanisme). En tout état de cause, il y a changement de destination si un local ou une construction passe d’une catégorie à une autre. Dans ce cas la règle est simple :
– Soit la construction porte atteinte à des éléments structurels du bâtiment et/ou comprend des travaux de gros-œuvres. Dans ce cas, il conviendra de déposer un dossier de permis de construire (article R. 421-14 du Code de l’urbanisme)
– Soit la construction est légère et dans ce cas une simple déclaration préalable en mairie sera nécessaire (article R. 421-17 du Code de l’urbanisme)

Dans tous les cas, le changement de destination doit respecter le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la commune.

  • Le changement d’usage : il s’agit ici d’une règle d’habitation. Elle vise à éviter une utilisation anarchique des locaux et une dénaturation du paysage urbain. Dans ce cas, la vision est quasiment binaire étant donné qu’il s’agit de savoir si le local est soit à usage d’habitation, soit à usage professionnel (il existe aussi une catégorie mixte). L’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que pour les communes de plus de 200.000 habitants et, globalement, pour les villes d’Ile-de-France, l’obligation de solliciter une autorisation préalable auprès de la mairie. Pour exemple, à Paris, les demandes de changement de destination et celles de changement d’usage sont traitées par les mêmes services. Le changement d’usage s’applique dans les deux sens, d’habitation à professionnel et inversement. Il est attaché à la personne, incessible et temporaire. Il ne sera donc pas envisageable de l’affecter à un fonds de commerce par exemple.

II. Le changement d’affectation : le respect des règles de copropriété

C’est malheureusement un oubli trop récurrent. J’observe assez régulièrement des dossiers dans lesquels les propriétaires sont dans l’incompréhension. Ils ont effectué toutes les démarches et ont obtenu les autorisations pour le changement d’affectation. L’un d’eux même, accompagné de son notaire, m’avait brandi la matrice cadastrale avec l’inscription de la nouvelle destination. Dont acte ! Toutefois, les règles d’urbanisme et de construction ne sont pas exclusives de celle de la copropriété. Les deux sont mêmes cumulatives car, si le droit de propriété est libre, la première chose est de respecter son voisin copropriétaire. L’article 8 (I) de la loi du 10 juillet 1965 énonce : “Un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l’état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l’administration des parties communes. Il énumère, s’il y a lieu, les parties communes spéciales et celles à jouissance privative. Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en-dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation“. Il faut comprendre deux choses de cette disposition.

Tout d’abord, si chaque propriétaire peut disposer librement de son logement, ce droit est limité par deux conditions :
– L’usage ou la jouissance ne doit pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires
– L’usage et la jouissance ne doit pas porter atteinte à la destination de l’immeuble.

Ensuite, en cas de changement d’affectation, le copropriétaire doit se référer à son règlement de copropriété. Or, il n’est pas rare qu’un règlement de copropriété ou un état descriptif de division, s’il est inclus dans le règlement (seul document à valeur contractuelle), prévoit une clause dite “d’occupation bourgeoise” qui limite l’exercice de certaines activité professionnelle. Le cas échéant, le changement d’affectation ne sera possible que par un vote des copropriétaires. Précision enfin que cette clause peut être contestée et que les juges en feront une appréciation au cas par cas, afin de déterminer si elle est sans rapport avec la destination de l’immeuble (situation géographique…) ou l’évolution de l’immeuble.

III. Le changement d’affection : le respect des règles professionnelles

C’est le dernier point et il est propre à chaque profession. L’affection d’un local à un usage commercial peut être limitée en fonction de l’activité exercé. Pour illustration, un cabinet d’avocat ou de médecine doit être agréé par l’ordre déontologique. La raison tient au caractère approprié du local pour recevoir de la clientèle ou de la patientèle dans des conditions permettant notamment de préserver la confidentialité. Autre exemple, les salons de coiffeurs : beaucoup de contrats de coiffeurs sont grevés d’une clause de non concurrence leur interdisant de s’implanter dans la zone géographique de leur ancien salon en cas de départ (ces clauses doivent naturellement être limitées dans le temps et dans l’espace).

En conclusion, le changement d’affectation nécessite de se préoccuper préalablement de l’ensemble de ces conditions, tant d’un point de vue urbanistique de la copropriété que des règles professionnelles. L’accompagnement par un conseil juridique est parfois recommandée pour éviter des contestations ultérieures.

Se faire accompagner par un professionnel

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Charles Dulac

Fondateur de Dulac Avocat et contributeur pour ImmoPotam. Sujets de prédilection : copropriété, syndic, résidence principale, investissement locatif, Ile-de-France... Tous ses articles Le contributeur est enregistré sous l'identifiant SIREN n°827.880.261.