Illustration (Nikcoa / Freepik / ImmoPotam).

Vente : le sort du dépôt de garantie

Vos amis vous diront de vous y fier, votre agent immobilier en jouera, votre courtier gardera un silence coupable et votre conseil juridique vous dira de vous en méfiez. Le coup de cœur dans l’immobilier peut s’avérer fatal. L’amour rend aveugle et les papillons que vous avez eu en visitant ce pavillon avec jardin, traversant sud-ouest, une vue parfaitement dégagée sur les bords de Marne, vous a fait complétement oublier votre budget initial. Sachez pourtant qu’une promesse de vente est un acte engageant et que la signer vous expose à des responsabilités financières.

Fort de ce sentiment, vous vous décidez à signer la promesse de vente au pied levé en espérant acquérir au plus vite ce joyaux. Vous n’avez évidemment pas prêté attention aux stipulations contractuelles, notamment celle relative à la condition suspensive de prêt pourtant écrite en gros et gras sur l’acte authentique. Peu importe vous êtes décidé. Une fois la promesse conclue, vous vous attelez enfin à constituer votre dossier de prêt. Vous n’aviez évidemment pas fait appel préalablement à un courtier et, en reprenant vos comptes, vous vous apercevez qu’il vous manque la somme modique de 100.000 euros. De plus, le pavillon qui vous apparaissait si beau au départ a perdu de son charme et vous commencez à douter de votre engagement. De ce fait, vous ne forcez pas le destin et vous vous contentez d’un seul refus de la banque à des conditions de prêts exorbitantes. Le délai de la promesse de vente arrive à expiration et pour ne pas maintenir le suspens plus longtemps, vous annoncez au notaire que vous ne souhaitez plus acheter. Dont acte ! Sauf qu’un imprévu vient se produire, les vendeurs refusent que les 30.000 euros que vous aviez versés au titre du séquestre sur le prix de vente vous soient restitués. La lecture de cas peut vous sembler ubuesque, voire risible. Pourtant, les contentieux relatifs au sort de l’indemnité d’immobilisation sont pléthores. Avoir quelques connaissances en la matière peut s’avérer utile…

I. L’indemnité d’immobilisation, c’est quoi ?

L’indemnité d’immobilisation est tout simplement la somme versée par le bénéficiaire de la promesse de vente (le futur acquéreur), correspondant à un pourcentage du prix de vente. Cette somme est généralement consignée sur un compte séquestre ouvert à l’étude notariale du vendeur. Il faut comprendre que cette somme ne correspond pas à un acompte sur le prix de vente. Elle est originellement une indemnité visant à compenser l’immobilisation par le vendeur de son bien. Elle ne devient acompte qu’une fois la vente réalisée, en se déduisant du prix de cession. Ajoutons enfin que l’indemnité d’immobilisation n’est en aucun cas obligatoire mais, compte tenu des enjeux, elle est devenue quasi systématique. Elle est généralement fixée à 5-10% du prix de vente. Lorsque la promesse de vente ne se réalise pas, la question de la restitution de cette somme devient donc un enjeu entre le vendeur déchu et l’acquéreur défaillant. Il faut dès lors distinguer plusieurs situations qui permettent de comprendre à qui reviendra cette indemnité et son montant.

II. L’octroi de l’indemnité d’occupation dépend du délai de rétractation

C’est un préalable à rappeler car il est souvent oublié. Dans toute promesse de vente immobilière, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délais de 10 jours, à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte, pour se rétracter. C’est ce que spécifie l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation : “Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte“.

En d’autres termes, cela signifie que le bénéficiaire de la promesse (l’acquéreur) peut se rétracter dans ce délai et récupérer la somme qu’il aura versé au titre de l’indemnité d’immobilisation.

III. Le montant de l’indemnité d’occupation dépend de la nature de la promesse de vente

Rien de nouveau pour les acquéreurs : toute personne qui a acheté ou vendu un bien est passé par la promesse de vente. Ce préalable, qui vise à formaliser l’engagement des parties, doit faire l’objet d’une réitération devant le notaire, en général, dans les trois mois après la signature. Mais, en matière immobilière, les termes sont souvent galvaudés. En tant qu’avocat et donc juriste, il est d’usage d’approfondir les notions et de les qualifier juridiquement. Car, en matière d’indemnité d’immobilisation, la qualification de la promesse de vente peut changer le montant de cette somme d’argent.

  • La promesse a été faite de manière unilatérale

Il s’agit d’un engament à sens unique du promettant (le vendeur) qui réserve le bien sur une durée déterminée et laisse la possibilité au bénéficiaire (futur acquéreur) de lever ou non l’option, d’acquérir ou non. Sur le papier, l’acte est déséquilibré car le promettant engage sa responsabilité, celle de ne pas vendre sur une période tandis que le promettant lui a le choix de s’engager ou non. A ce titre, l’indemnité d’immobilisation est particulièrement propice pour protéger le promettant des engagements à la volée. Si le bénéficiaire ne lève finalement pas l’option, pour une raison fautive, dans ce cas l’indemnité d’immobilisation sera reversée au vendeur. Les juges n’auront pas le pouvoir de modifier son montant.

  • La promesse a été faite sous forme de compromis

Dans ce cas la promesse est synallagmatique. Il s’agit dès lors d’un véritable avant-contrat par lequel le promettant s’engage à céder à un prix déterminé et le bénéficiaire à acquérir. Contrairement à la promesse unilatérale, le compromis est plus engageant. L’échec de la vente du fait de la défaillance du futur acquéreur constituera une faute contractuelle. Néanmoins, dans ce cas, l’indemnité d’immobilisation pourra être requalifiée en clause pénale. Cela a une incidence car la clause pénale vise non plus à indemniser l’indisponibilité du bien mais bien la faute de l’acquéreur. Or, l’article 1231-5 du Code civil prévoit que “le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire“. A cet effet, la Cour de cassation a déjà jugée que 10% du prix de vente était excessif et a réduit le montant. En d’autres termes, avec le compromis de vente, l’indemnité d’immobilisation pourra être requalifiée et réduite.

IV. Le sort de l’indemnité d’occupation dépend de la réalisation de la condition suspensive et de sa réalisation

La condition suspensive vise à sécuriser la promesse de vente. Il s’agit d’une obligation conditionnelle qui “dépend d’un événement futur et incertain” (article 1304 du Code civil). De sa réalisation doit dépendre la finalisation du contrat. En matière de promesse de vente, il existe des conditions suspensives légales (droit de préemption de la commune par exemple) ou conventionnelles (clause de dédit par exemple). Toutefois, la plus connue et la plus discutée est celle relative à l’obtention d’un prêt. La réalisation de la condition suspensive fait évidement dépendre le sort de l’indemnité d’immobilisation.

  • La condition suspensive est réalisée : la vente doit être conclue et le refus du bénéficiaire ou du promettant peut conduire à une vente forcée.
  • La condition suspensive n’est pas réalisée en raison d’éléments extérieurs à la volonté du bénéficiaire : tel est le cas quand le prêt n’est pas accordé aux conditions fixées dans la promesse. Dans cette hypothèse, le promettant doit en justifier auprès de son notaire pour récupérer son versement initial.
  • La condition suspensive n’est pas réalisée en raison des manquements du bénéficiaire : tel est le cas lorsque que le futur acquéreur n’a pas effectué les démarches auprès des banques, n’a pas sollicité un prêt dans les conditions de la promesse (mauvais taux, durée inexacte ou une seule demande alors que la promesse en prévoyait à minima deux). Dans cette hypothèse, l’indemnité d’occupation doit revenir au promettant.

En tout état de cause, qu’il s’agisse du délai de rétractation, du montant de l’indemnité, de sa nature ou de la réalisation de la condition suspensive, en cas d’achoppement sur le sort de ce versement, le notaire conservera les fonds. Seul un accord des parties peut lui permettre de les débloquer. A défaut, il reviendra à la partie la plus diligente, promettant ou bénéficiaire, d’intenter une action en justice pour récupérer cette somme.

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Charles Dulac

Fondateur de Dulac Avocat et contributeur pour ImmoPotam. Sujets de prédilection : copropriété, syndic, résidence principale, investissement locatif, Ile-de-France... Tous ses articles Le contributeur est enregistré sous l'identifiant SIREN n°827.880.261.