Le point sur le recouvrement de charges en copropriété
Qu’elle soit de haut standing ou précaire, grande ou petite, parisienne ou provinciale, la copropriété est au moins une fois dans son existence confrontée à l’impayé de charges. Les procédures en recouvrement sont multiples et inondent les juridictions. Toutefois, loin d’être aussi aisées qu’on le croit, elles revêtent un aspect technique. Les écueils, tant pour le syndicat des copropriétaires que pour le débiteur, peuvent être évités.
Rappelons à titre limaire que les impayés constituent un fléau pour les copropriétés. Ces dernières subsistent souvent sur une trésorerie à flux tendu et ne peuvent parfois pas accomplir des travaux, pourtant essentiels, faute de pouvoir s’acquitter auprès des prestataires. La procédure en recouvrement devient dès lors l’ultime recours. Il n’existe pas un type de copropriétaire négligent. Pour anecdote, lors d’une audience en recouvrement pour le compte d’une copropriété à Paris XVIe, j’ai été opposé à un propriétaire débiteur de plus de 10.000 euros qui justifiait ses impayés en se targuant d’avoir de multiples biens disséminés dans Paris et ne pas avoir le temps nécessaire de s’occuper de payer toutes ses charges. Autant dire que le magistrat n’a pas été pris de pitié et a prononcé la condamnation du débiteur. Evidemment, toutes les affaires ne sont pas si simples et parfois la procédure en recouvrement peut tourner à l’imbroglio judiciaire et s’étendre sur plusieurs années, notamment quand les propriétaires sont décédés et qu’il faut diligenter la procédure à l’encontre des héritiers. L’intervention d’un avocat est particulièrement nécessaire dans de tels cas. Au-delà de cette spécificité, il existe quelques règles élémentaires en matière de procédure pour charges impayés qui permettent, tant pour le syndicat que pour le copropriétaire débiteur, d’éviter des achoppements.
Le recouvrement de charges pour le syndicat des copropriétaires
Immanquablement, cet article se devait de commencer par le créancier : le syndicat des copropriétaires. Et, pour comprendre la procédure en recouvrement de charges et ses spécificités, je vous propose d’en détailler les étapes et les caractéristiques.
- Une mise en demeure préalable
Il s’agit d’enjoindre le copropriétaire défaillant à s’acquitter de sa dette, préalablement à l’engagement de toute procédure judiciaire. Cette étape est souvent accomplie en amont par les syndics professionnels, sous la forme de lettres et de relances. Toutefois, une fois l’avocat saisi, une injonction officielle sera adressée par lui, en lettre recommandée, ou par huissier. Cette étape découle en réalité d’une disposition du Code de procédure civile qui invite les parties à tenter une conciliation amiable en amont. Si l’absence de ce préalable n’est pas sanctionné, il est fortement recommandé au risque de voir le juge prononcer une injonction de conciliation. En outre, la lettre de mise en demeure d’avocat permet de faire courir les intérêts légaux qui majorent la condamnation. Cela est particulièrement intéressant en cas d’exécution forcée.
- Le choix de la procédure
Si à l’issue du délai indiqué dans la mise en demeure, le débiteur ne s’exécute pas, il convient d’engager la procédure judiciaire. Pour rappel, sous l’égide de l’article 750-1 du Code de procédure civile, les parties ont l’obligation de procéder à une conciliation préalable pour une dette inférieure à 5.000 euros. Si cette disposition a été invalidée par le Conseil d’Etat, elle semble pourtant continuer de s’appliquer. En tout état de cause, pour les litiges supérieurs à 5.000 euros, la procédure peut être engagée immédiatement. Le choix de la mesure judiciaire est multiple en matière de recouvrement de charges. Pour la même dette, il est possible de se pourvoir devant les juges du fond, ceux en référé, d’intenter une procédure accélérée ou, encore, de procéder par voie de requête en injonction de payer. Par expérience, la procédure classique au fond reste la plus efficace. La règle est la suivante, en cas de litige inférieur à 10.000 euros, c’est le tribunal de proximité du lieu de situation de l’immeuble qui est compétent, et au-dessus de 10.000 euros, le tribunal judiciaire.
- La justification de la créance du syndicat des copropriétaires
En application du célèbre adage : “celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver” (article 1353 du Code civil), c’est naturellement au syndicat des copropriétaires de prouver la nature et le quantum de sa créance. Tout d’abord, il doit justifier de la liquidité de la dette du copropriétaire, en produisant un décompte certifié et fidèle (par exemple un extrait du grand livre comptable). Ensuite, il convient de démontrer l’exigibilité de la créance. Or, en copropriété, le syndic ne peut réclamer le paiement d’une somme d’argent que si un appel de fonds a été dûment adressé. Le syndicat des copropriétaires devra donc justifier d’un appel de fonds pour chaque somme. Enfin, la créance doit être définitive, c’est-à-dire non contestable. Or, seul l’approbation des comptes permet d’établir cet aspect. Le syndicat des copropriétaires devra communiquer les procès-verbaux d’assemblées générales approuvant les comptes ainsi que les certificats de non contestation.
- Attention à la prescription de la dette
Avant la loi ELAN du 23 novembre 2018, la prescription en matière de charges de copropriété était de dix ans. Elle a été réduite par la loi et a rejoint celle de droit commun, de cinq ans (article 2224 du Code civil). Des dispositions transitoires permettent de récupérer des charges dues avant la loi de 2018, sur un délai de dix ans mais pas au-delà de cinq années après 2018, soit au plus tard pour les charges de 2023. Il existe toutefois une possibilité d’éviter la prescription en imputant les règlements du débiteur sur la dette la plus ancienne, comme le permet l’article 1342-10 du Code civil, à défaut d’indication du débiteur.
- Choisir une exécution forcée adaptée
Il arrive parfois qu’en dépit de la condamnation, le copropriétaire ne s’exécute pas spontanément. De ce fait, le syndicat des copropriétaires aura la possibilité de mettre en œuvre une exécution forcée de la décision, par le biais d’un huissier. Rappelons qu’à compter de la signification de la décision, le syndicat dispose d’un délai de dix ans pour l’exécuter et que chaque acte d’huissier recule d’autant la prescription. S’agissant du choix de l’exécution forcée, la copropriété doit choisir une mesure adaptée et proportionnée. De ce fait, pour une dette de 5.000 euros, une saisie bancaire ou une saisie des loyers sera privilégiée à une saisie immobilière. En revanche, pour des montants plus importants, une saisie immobilière sera utile, à condition d’avoir été votée en assemblée générale préalablement.
Le recouvrement de charges pour le copropriétaire débiteur
Cet article n’aurait pas été complet s’il ne s’était pas intéressé au copropriétaire défaillant. Car, pour lui également, les pièges sont nombreux et il pourrait se voir appliquer une condamnation excessif au regard de sa dette réelle. La lecture de ce passage peut s’avérer particulièrement utile.
- Attention aux frais imputés à tort
Il s’agit d’une pratique trop souvent constatée : celle des syndics d’inclure dans le décompte particulier du copropriétaire les frais de dossier, de suivi de contentieux et, même, les honoraires d’avocat et d’huissier. Pourtant, l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 à une vision très restrictive des frais imputables à un copropriétaire défaillant : “Les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d’hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d’une créance justifiée à l’encontre d’un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d’encaissement à la charge du débiteur“. Les seuls frais imputables sur un décompte sont donc ceux de la mise en demeure du syndic et les débours fiscaux de la prise d’hypothèque. Il convient dès lors d’être particulièrement attentif et de réclamer un décompte certifié, et non seulement établi par le syndic, remontant à l’origine de la dette. Ce dernier permettra de s’assurer qu’aucun règlement n’a été sur des frais. En outre, toujours en application de l’article 1342-10 du Code civil, le copropriétaire peut choisir de désigner expressément l’imputation de ses règlements au moment de leur émission.
- Demander un délai de grâce
En vertu de l’article 1345-5 du Code civil : “le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues“. Deux choses ! Tout d’abord, le délai est au maximum de vingt-quatre mois et c’est au magistrat de décider de sa longueur. Ensuite, pour bénéficier de cette disposition, le débiteur doit justifier d’une situation financière compliquée (fiches de paies, aides sociales, déclaration de revenus…). En revanche, même si la situation du débiteur est difficile, le juge pourra refuser un délai au regard des besoins du syndicat des copropriétaires. L’analyse sera évidemment factuelle. En outre, le syndicat des copropriétaires peut solliciter une clause de déchéance en cas de non respect du terme : cela signifie que si le copropriétaire ne respecte pas une de ses échéance, il sera déchu de plein droit du bénéfice du délai accordé judiciairement et devra payer l’intégralité de sa dette.
Au final, le recouvrement de charges doit être analysé comme une procédure spécifique et le recours à un conseil spécialisé est souvent pertinent pour les syndicats, surtout lorsqu’ils ont une gestion bénévole, mais également par les copropriétaires débiteurs dont l’issue n’est pas nécessairement définitive.
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