Droit : l’exécution forcée d’une décision judiciaire
“Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…”. Telle pourrait être la vie rêvée d’une décision de justice. Une fois rendue, la partie condamnée se soumettrait à l’évidence de la chose jugée et exécuterait sa peine sans rechigner. Toutefois, la vie judiciaire n’est ni rêve, ni un conte de fées. Bien au contraire. Le pourcentage de décisions appliquées est faible et les recours aux exécutions forcées nombreux. Un petit détour sur la vie d’après la décision de justice devrait vous intéresser.
Evidemment, je n’ai pas oublié que mes articles étaient publiés sur ImmoPotam. Il ne s’agit donc pas ici de traiter de l’ensemble des décisions de justice mais bien de celles rendues en matière immobilière. Cela concerne les condamnations pécuniaires (paiement d’une dette locative, de charges de copropriété, d’une indemnité d’éviction ou d’immobilisation…) mais également des condamnations à une obligation de faire (vente forcée, expulsion, réalisation des travaux…). En matière civile, contrairement à la matière pénale, il n’y a de fonds d’indemnisation. Pour les obligation forcée, personne ne viendra non plus vous mettre des menottes pour exécuter des travaux. Il faut alors se débrouiller autrement. Et, ce autrement, c’est l’huissier de justice. Enfin, je ne dois plus dire huissier mais commissaire de justice, depuis le 1er juillet 2022 et le rapprochement des huissiers et des commissaires-priseurs. Peu importe, on aura compris. Or, le commissaire de justice dispose d’un panel de mesures pour contraindre une personne à exécuter une décision de justice. Néanmoins, il est un mandataire et, comme tout mandataire, il s’exécute sur consigne de son mandant, même si en réalité le commissaire aura un devoir de conseil et guidera son mandatant, ce dernier a tout intérêt à connaître les instruments d’exécution forcée pour opter pour celui le plus adéquate. D’autant plus que le choix d’un outil disproportionné peut conduire à un échec de la mesure.
I. L’exécution forcée est tout d’abord une question de délais
Le simple délibéré, la seule rédaction d’un jugement n’est pas suffisante pour rendre la décision exécutoire. Tout est ici question de délai pour qu’un simple jugement papier revête la forme d’un titre exécutoire.
- Le délai de signification
Pour qu’un jugement puisse être exécuté, encore faut-il qu’il soit porté à la connaissance de la partie adverse. L’article 651 du Code de procédure civile rappelle que “les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite. La notification faite par acte d’huissier de justice est une signification“. Aussi, pour qu’une décision de justice, quelle qu’elle soit, puisse être exécutée, il convient de procéder à sa notification par huissier. En outre, les délais en la matière sont restrictifs : vous disposez d’un délai de dix ans à compter de la décision de justice pour faire signifier l’acte. Si le jugement est rendu par défaut ou si le jugement est réputé contradictoire (en cas d’ absence de l’adversaire au tribunal par exemple), alors ce délai est réduit à six mois. Au-delà de ce délai, le jugement est caduc. Tout est à recommencer !
- Le délai d’appel
Il commence à courir à compter de la signification de l’acte. Il est d’un mois pour les décision rendu par une juridiction du fond et de quinze jours pour les ordonnances rendues en référé (procédure d’urgence). Si la décision n’a pas été signifiée, il est de deux ans à compter de la date du jugement. L’intérêt de connaître le délai d’appel est tout simplement que ce dernier peut avoir un effet suspensif. S’il n’est pas de droit, il peut avoir été accordé à la partie adverse en raison des conséquences particulièrement graves que pourraient entraîner l’exécution hâtive du jugement. Le cas échéant, aucune mesure d’exécution forcée ne devra être initiée durant le délai ou l’appel est ouvert. Il est donc primordial de bien faire signifier la décision pour éviter de devoir attendre deux ans.
- Le délai pour exécuter
Il est de dix ans (article L.111-4 du Code des procédures civiles d’exécution). En outre, ce délai se renouvelle à chaque acte d’exécution (commandement de payer par exemple) dont l’effet est interruptif.
II. L’exécution forcée est ensuite une question de mesure
J’évoque l’exécution forcée, au singulier, mais il existe en réalité plusieurs exécutions forcées. Ce panel de mesures est à la fois un avantage pour le créancier de l’obligation mais aussi un risque (celui de mal choisir) car l’article L.111-7 du Code des procédures civiles d’exécution précise que “le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation“. Dès lors, quels sont ces instruments d’exécution ?
- Les mesures conservatoires
Ces mesures sont des préalables à l’engagement d’une action en justice. Elles permettent, par exemple, que le débiteur se rende insolvable. Il peut s’agir d’une saisie conservatoire sur un bien mais également d’une hypothèque légale. La règle est simple, la mesure n’est viable que si la procédure est dûment engagée dans un délai d’un mois. Une fois le titre exécutoire obtenu, elle pourra être convertie en mesure contraignante.
- La saisie attribution
Il s’agit de saisir un bien mobilier. Il peut s’agir de meubles mais également de biens immatériels, comme des actions dans une société. La saisie la plus usité et la plus efficace est évidemment la saisie bancaire. Le commissaire de justice recherchera les comptes du débiteurs grâce à un fichier FICOBA et pourra donc prélever directement les sommes dues. La saisie des loyers est également pratiquée. En revanche, la saisie des rémunérations est plus compliquée et, outre l’enquête BETEILLE, elle nécessite une autorisation du juge de l’exécution.
- La saisie immobilière
C’est de loin la mesure la plus lourde et la plus conséquente. Elle doit être justifiée par une dette conséquente. D’autant plus que le coût de cette saisie est extrêmement important. Le magistrat se prononcera d’abord sur l’état du bien lors d’une audience d’orientation et fixera une date d’adjudication. La procédure dure en général un an et demi.
- Les exécutions en nature
C’est le cas lorsque le jugement comporte une obligation de faire et non seulement financière. La première hypothèse est que l’obligation est assortie d’une astreinte financière. On revient donc aux moyens précédemment cités. S’il n’y a pas d’astreinte, notamment pour les expulsions locatives, le recours à la force public est nécessaire. Le commissaire de justice devra donc déposer une requête auprès de la préfecture. Si cette dernière refuse son aide, l’Etat engage sa responsabilité et le bailleur a le droit à une indemnité.
III. L’exécution forcée est enfin une question de contestation
Comme toute mesure judiciaire, il est possible de la contester par la voie judiciaire ! Or, pour les exécutions forcées, c’est sans surprise le juge de l’exécution. Il doit être précisé que la saisine de ce juge n’est pas suspensif et que la mesure d’exécution forcée peut se poursuivre. Toutefois, c’est aux risques et périls du créancier qui devra rembourser les sommes prélevées si la mesure est annulée. Le juge de l’exécution ne se reprononce évidemment pas sur la nature de l’affaire qui a justifiée l’exécution forcée mais bien sur la mesure en elle-même. Il sera dès lors question de soulever sa légalité et, dans cas, la question du respect des délais est souvent abordée. En outre, le débiteur pourra solliciter de nouveau délai afin de retarder au mieux l’exécution. Pour contrer cette manœuvre, il conviendra de démontrer l’absence de difficultés du débiteur et la nécessité des besoins du créancier.
En tout état de cause, obtenir la mise en œuvre de son jugement nécessite une connaissance accrue des procédures civiles d’exécution. Le mieux dans ce cas et de solliciter du conseil qui est intervenu lors de la procédure qu’il agisse sur son exécution forcée.
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