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Propriétaire-bailleur : comment se prémunir contre les arnaques ?

Qui oserait contredire Franklin Delano Roosevelt lorsqu’il assène que “l’immobilier ne peut pas être perdu ou volé, et il ne peut pas être emporté. Acheté avec bon sens, payé en totalité et géré avec raison, il est le placement le plus sûr du monde“. Encore faut-il acheter judicieusement, s’acquitter dûment de son crédit et, surtout, gérer avec raison…

C’est évidement sur ce dernier point que je souhaite m’attarder aujourd’hui. A l’heure où la Cour de cassation a rappelé que “l’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier par la victime [locataire] ne peut constituer une faute de nature à exonérer le propriétaire du bâtiment au titre de sa responsabilité” (Cass. Civ.2ème, 15 septembre 2022, n°19-26.249), il convient pour tout investisseur locatif de rester prudent. Un dossier, qui m’avait été confié, doit vous amener à méditer la question : il s’agissait d’un couple de jeunes retraités qui, depuis de nombreuses années, louait un joli studio dans un quartier parisien paisible. N’étant pas des professionnels de l’immobilier et souhaitant simplement s’assurer une rente locative, ils choisissaient leurs preneurs sur recommandation d’amis ou même du locataire précédent. Il leur aura malheureusement suffit d’une fois. Une mère célibataire avec deux enfants à charge pour que leur investissement tourne au drame ! Face aux impayés de cette locataire et à la longueur judiciaire, ils ont préféré vendre leur bien en l’état, donc à moindre prix, que d’assumer à leur âge cette procédure. Aussi, pour que cet immobilier ne soit pas perdu ou volé, louez avec raison. Et, s’il est parfois difficile de s’assurer de la solvabilité et de la fiabilité d’un locataire, vous pouvez en revanche suivre aisément les quelques règles de précaution en infra.

Etablissez toujours un bail écrit, daté et signé

Et si possible sous l’égide de la loi du 6 juillet 1989, cette loi ayant justement été conçue pour anticiper les relations entre les bailleurs et leurs locataires. A défaut d’opter pour cette loi, vous serez soumis au statut du Code civil qui est beaucoup moins lisible pour un investisseur profane. Outre le choix de la loi de 1989, deux types de clauses doivent essentiellement être insérées.

  • Une clause résolutoire qui prévoit la résiliation immédiate et de plein droit du bail en cas d’impayés de loyers ou de défaut d’assurance contre les risques locatifs (sous réserve d’un commandement d’huissier resté infructueux).
  • Une clause pénale qui permet de majorer le loyer sur le taux d’intérêt légal en cas de retard de paiement et, même, de le multiplier par deux en cas de maintient du locataire après résiliation de son bail (sous la forme d’indemnité d’occupation).

Précisons qu’en application de l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989, le contrat de bail doit comporter un nombre important de mentions, notamment sur la consistance du bien et sur le montant des loyers, avec une distinction pour la provision de charges. Enfin, le bail doit évidement être signé et daté et cette précaution n’est pas juste formelle car il vous appartient, en votre qualité de bailleur, de vérifier l’identité de votre locataire et de sa caution. De ce fait, en cas d’impayés, vous aurez des éléments supplémentaires d’identification qui vous permettrons de mener à terme vos procédures.

Sollicitez des garanties financières au locataire

En matière locative, il existe deux grands types de garantie financière : le dépôt de garantie et la caution. Le cumul des deux outils étant tout à fait possible, je ne saurais que vous conseiller d’utiliser les deux.

Tout d’abord, vous devez demander un dépôt de garantie. Cette consignation est particulièrement utile en cas de dégradation de votre logement. Rappelons que le montant de ce dépôt est toutefois limité à un mois pour les locations nues (article 22 de la loi du 6 juillet 1989) et à deux mois pour les locations meublées (article 25-6 de la loi du 6 juillet 1989). Cependant, le dépôt de garantie est parfois insuffisant pour couvrir la créance locative.

De ce fait, il est particulièrement conseillé de solliciter un cautionnement. Tout tiers peut se porter caution dès lors qu’il justifie de son identité et de ses revenus. Par ailleurs, même une personne morale peut se porter caution en produisant un extrait kbis de sa société.  Ajoutons enfin que si rien n’est prévu dans l’acte de bail, il s’agira d’une caution simple (chèque de caution), ce qui signifie qu’il ne sera possible de l’actionner qu’après avoir démontré l’insolvabilité du locataire (commandement de payer infructueux par exemple). Il est en revanche possible pour un bailleur de stipuler que la caution est solidaire est, dans ce cas, elle sera redevable de plein droit des loyers impayés sans même qu’il soit nécessaire de se retourner contre le locataire. En outre, en cas de caution multiple, le bailleur n’aura pas besoin de diviser ses réclamations et pourra se retourner contre l’une des cautions pour l’intégralité de la dette.

Attention toutefois, la souscription d’une caution nécessite de respecter les exigences de l’article 22-1 de la loi du 10 juillet 1989, au titre de laquelle, il est impossible de demander un cautionnement si le bailleur a déjà souscrit à une assurance, ou toute autre forme de garantie (sauf le dépôt de garantie évidemment). Et c’est le dernier point, la garantie des loyers impayés (la GLI). Cette assurance est souvent proposée par les gestionnaires locatifs dès lors qu’elle surpasse les autres garanties en ce qu’elle couvre les loyers impayés, les dégradations du logement, le départ prématuré du locataire et encore les frais de contentieux. Outre les mensualités (généralement 2% du loyer), elle présente l’inconvénient de solliciter des justificatifs précis et stricts sur la solvabilité du locataire. Elle doit toutefois être considérée même si vous ne passez pas par agence.

Faites un état des lieux à l’entrée mais également à la sortie

Cela peut relever du lieu commun mais en pratique cela est trop souvent négligé par les bailleurs particuliers mais également par ceux professionnels. Pourtant, en tant que bailleur mais également pour le locataire, l’état des lieux vise à protéger les parties et à pérenniser la location. L’article 3-2 de la loi du 10 juillet 1989 rappelle que l’état des lieux “est établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles et joint au contrat de location“. En d’autres termes, l’état des lieux doit être établi en présence du locataire et du bailleur et signé par les deux parties. A défaut, il sera considéré comme une simple preuve sans faire foi. En outre, si les parties ne sont pas d’accord sur l’examen du logement, un état des lieux devra être établi par huissier de justice.

Il est également utile de rappeler que l’état des lieux doit être effectué à l’entrée et à la sortie du logement. Effectivement, c’est souvent sur la comparaison des deux documents qu’il sera permis d’établir si la détérioration du mobilier est liée à la vétusté et au vieillissement usuel ou à une dégradation imputable au locataire. Rappelons enfin que pour les logements meublés, l’état des lieux est particulièrement important en ce qu’il permet de faire un inventaire du mobilier et de son état de fonctionnement (article 25-5 de la loi du 10 juillet 1965).

Connaissez les modalités de congés et les délais

Pour les délais, rien de plus facile : lorsqu’il émane du bailleur, le congé doit être délivré six mois, pour les baux nus, trois mois, pour les baux meublés, avant la date d’anniversaire du contrat. Dès lors, mettez vous un rappel ou une alarme pour résilier votre contrat avant cette date, étant précisé que vous pouvez faire délivrer le congé avant la date butoir.

Contrairement à ce qui peut être conseillé sur certains sites Internet, excluez les congés délivrés en lettre recommandée. La Cour de cassation vient encore de rappeler que le congé n’est pas valable tant que la lettre n’a pas été retirée (Cass. Civ 3ème, 21 septembre 2022, n°21-17.691). Vous pouvez être certain qu’un congé délivré sous cette forme sera contesté. En tout état de cause, privilégiez exclusivement la délivrance par huissier, étant précisé que ces derniers savent parfaitement délivrer un congé aux normes et vous conseiller.

Enfin, en application de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, votre congé doit être justifié au moins par :

  • Une volonté de reprendre. Cette possibilité n’est envisageable que si la reprise vous concerne (résidence principale) ou l’un de vos proches (époux, concubin, pacs, ascendant ou descendant).
  • Une volonté de vendre le logement. Dans le cas, le locataire bénéficie d’un droit de préemption de deux mois à compter de la date de réception du courrier pour donner sa réponse au propriétaire et vous devez lui présenter l’offre de vente en priorité (ou quatre mois si le locataire souhaite accepter l’offre mais qu’il doit souscrire un prêt afin de financer cette acquisition immobilière).
  • Un motif légitime et sérieux. La loi ne définit par précisément cette catégorie mais le trouble doit être justifié par le bailleur. Il est possible de citer comme motif légitime le paiement de loyers avec des retards à répétition, des nuisances au voisinage…

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Charles Dulac

Fondateur de Dulac Avocat et contributeur pour ImmoPotam. Sujets de prédilection : copropriété, syndic, résidence principale, investissement locatif, Ile-de-France... Tous ses articles Le contributeur est enregistré sous l'identifiant SIREN n°827.880.261.