Vente : la difficile notion des vices cachés
Erigée en argument ultime dans les contentieux immobiliers, la garantie des vices cachés demeure une notion délicate dont l’application est loin d’être systématique.
Les cinéphiles auront l’image en tête : celle du film Un éléphant ça trompe énormément où quatre copains dans cette maison de campagne si paisible, acquise lors de la grève des transports aériens et qui, une fois installés, réalisent qu’ils sont en plein dans la ligne de passage des avions dans un vacarme assourdissant. L’image prête évidemment à sourire tant elle est grotesque. Le vice caché semble ici si évident que certains se laisseront même à hasarder sur ce fameux “dossier gagné d’avance”. La méfiance devrait pourtant être de rigueur. La réalité n’est jamais objective en matière judiciaire et si elle peut se tordre dans tous les sens, la notion de vice caché en épousera les vicissitudes.
Vous l’aurez compris, l’appréhension du vice caché est empirique et ne peut être objectivée. Qu’il s’agisse de fissures, d’infiltrations, de nuisances olfactives ou acoustiques, d’instabilité du terrain, ou même de termites, aucun désordre ne peut constituer une catégorie indiscutable de vices cachés permettant de contester une vente. Cette abstraction doit être manipulée avec parcimonie et nécessite une connaissance parfaite de ses conditions d’engagement. Le présent article est donc destiné à vous donner les clefs pour considérer l’utilité d’engager un recours judiciaire au motif des vices cachés. Une ouverture sur d’autres recours parfois plus adaptés vous sera également évoquée.
I. Les conditions d’engagement de la garantie des vices cachés
En matière de vente immobilière, le cédant (vendeur) est tenu de deux garanties principales : la garantie d’éviction, qui consiste à délivrer le bien en pleine jouissance de propriété, et celle des vices cachés. C’est l’article 1641 du Code civil qui dispose de cette dernière, comme suit : “Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus“. La lecture de la loi doit dès lors permettre de considérer les conditions d’engagement de la garantie des vices cachés.
- Un défaut caché : c’est la condition la plus évidente. Concrètement, cela signifie que l’acheteur, surtout s’il est profane, ne pouvait relever le vice lors de l’examen du bien. La jurisprudence de la cour de cassation rappelle que le cessionnaire n’a pas à recourir à un “homme de l’art” pour procéder à une investigation complète et qu’un simple vice non-apparent lors de la visite des lieux suffit à constituer un vice caché (Cass. Civ.3ème, 3 novembre 2011, n°10-21.052). A contrario, le vice doit être considéré comme apparent dès lors qu’il est mentionné dans les diagnostics techniques de vente ou dans l’acte notarié. Il en est de même si le défaut est constatable à l’œil nu, au premier regard (exemple : une moisissure sur un mur). En tout état de cause, le vendeur ne sera pas tenu des vices dont l’acheteur aurait pu se convaincre lui-même (article 1642 du Code civil).
- Un défaut antérieur ou concomitant à la vente : ce critère est parfois bien difficile à déterminer étant donné le caractère caché du vice. A cette fin, le recours à une expertise judiciaire préalable est particulièrement opportun en matière de vices cachés. Seul un professionnel, désigné par le juge des référés, sera en mesure de dater l’antériorité du désordre et permettre l’application de la garantie.
- Un défaut rendant impropre le bien ou diminuant fortement son usage : à nouveau, l’expertise judiciaire est particulièrement à propos dans ce type de contentieux. On évoque souvent un défaut grave, persistant et inhérent à la chose. Les juges procéderont à une appréciation souveraine et il n’existe pas un vice objectif. Toutefois, certains sont de manière récurrente considérés comme des vices cachés, tels qu’un défaut de raccordement au service collectif d’assainissement, des fondations instables, des infiltrations en toitures non décelables…
En conséquence, l’actionnement de la garantie des vices cachés nécessite une analyse préalable du désordre dont on entend soulever le défaut. Cette réflexion doit, avec certitude, être corroborée par un expert désigné préalablement et judiciairement. Rappelons que l’engagement d’une procédure doit être faite dans les deux ans à compter de la découverte du vice (et non de la vente). L’engagement d’une procédure en désignation d’un expert judiciaire suspend le délai de prescription jusqu’à six mois après le dépôt du rapport.
II. Les exclusions de la garantie des vices cachés
Outre l’absence de preuve du caractère caché ou de l’antériorité du vice, les magistrats ont libre pouvoir pour considérer que le défaut excipé n’est pas de nature à rendre impropre l’usage du bien ou à en réduire la valeur. De même, la réparation du vice, par l’acheteur ou sa connaissance de par sa qualité de professionnel de l’immobilier, rend par nature impropre l’action ultérieure. Il sera dès lors considéré que le vice était apparent. Enfin, la force majeure – soit un événement irrésistible, imprévisible et extérieur – constitue un élément d’exclusion de la garantie des vices cachés.
En réalité, le motif le plus utilisé par les vendeurs pour dégager leur responsabilité reste l’ignorance du vice. Il est effectivement tout à fait possible pour un vendeur de démontrer sa bonne foi et l’absence de connaissance préalable du vice. Toutefois, cet argument de défense nécessite deux conditions :
- Le vendeur est non professionnel. Sur ce point, la jurisprudence est très sévère et a même pu considérer qu’une Société Civile Immobilière (SCI) agissait en tant que professionnel de l’immobilier
- Une clause d’exonération des vices cachés doit être stipulée contractuellement dans l’acte de vente (article 1643 du Code civil)
En définitive, le vendeur dispose d’argument de défense qui devront être examinés afin de jauger de l’utilité d’une action en garantie des vices cachés.
III. Le résultat de l’actionnement de la garantie des vices cachés
En application de l’article 1644 du Code civil, la reconnaissance d’un vice caché octroie à l’acheteur deux possibilités, soit :
- La résolution de la vente ce qui correspond à la restitution du prix et du bien
- La diminution du prix, équivalent à la valeur de la perte d’usage estimée généralement par l’expert judiciaire désigné préalablement
Ces finalités sont par nature alternatives. Néanmoins, l’article 1645 du même code prévoit qu’en cas de mauvaise foi du vendeur, qui aurait connu les vices antérieurement à la vente, des dommages-intérêts peuvent s’appliquer. Comme en matière civile délictuelle, il conviendra de prouver la faute, le préjudice et un lien de causalité. Le rapport de l’expert judiciaire peut à nouveau constituer un élément déterminant.
IV. Les autres moyens d’actions en cas de vices dans son logement
Comme nous avons pu le voir, si la garantie des vices cachés est souvent érigée en recours principal pour le vendeur, son actionnement est soumis à un véritable aléa de probation par un expert judiciaire, souvent coûteux, et d’appréciation casuistique par les juges du fond. A mon sens, cet outil juridique doit être utilisé avec parcimonie pour éviter des déconvenues judiciaires. D’autant que le droit offre d’autres instruments parfois plus efficaces. Il est possible, à ce titre, de citer la responsabilité décennale à l’encontre des constructeur pour les désordres causés par leur ouvrage (article 1792 du Code civil). Il conviendra alors de mettre en cause l’entrepreneur qui a exécuté les travaux, si ces derniers ont été fait dans les dix dernières années. Il existe également des recours en nullité de la vente pour erreur sur la chose notamment. Il s’agit ici de s’attaquer à l’essence même du contrat et de déterminer que l’acheteur n’a pas acquis ce qu’il pensait contracter initialement. Enfin, il peut aussi être envisager de mettre en cause la responsabilité de l’agence immobilière, en tant que mandataire, pour défaut de conseil : des dommages-intérêts pourront être sollicités.
En tout état de cause, il existe un nombre varié de possibilités et chaque cas nécessitera une analyse pour déterminer l’opportunité de tel ou tel recours. Le recours à un conseil juridique est, en ce sens, indispensable en cas de contestation de sa vente, quels qu’en soient les motifs.
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