5 questions à… Arnaud Zagnoli (UbiHome)
Titulaire d’un Master 2 et ancien directeur d’agence bancaire, Arnaud Zagnoli est un professionnel reconnu, aussi bien dans l’immobilier que dans le monde bancaire depuis quatorze ans. Avec sa double expertise, celui qui a co-fondé en 2021 l’agence UbiHome nous présente toutes les problématiques auxquels les professionnels de ces deux secteurs ô combien complémentaires sont confrontés ces dernières semaines.
Beaucoup de professionnels de l’immobilier et du monde bancaire se plaignent du taux d’usure. Quel est votre regard sur les conditions de financement actuellement accordées aux ménages ?
Le taux d’usure est fixé par des institutions souvent longues à réagir sur un marché fluctuant. Dans le contexte économique actuel, les variations de taux (à la hausse en ce moment), parfois rapide et répétées, perturbent un marché bancaire et immobilier jusque-là plutôt stable. La révision par la Banque de France du taux d’usure à 3,05% est une bonne nouvelle mais cette décision est arrivée tardivement et ne sera pas suffisante. Les taux d’emprunt vont continuer à augmenter dans les mois qui viennent et il sera sans nul doute nécessaire de revoir ce plafond une nouvelle fois. Mais ce n’est pas le seul élément émanant de l’intervention de l’Etat qui rebat les cartes et qui pose des difficultés. En effet, la décision du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) de transformer la “notion” d’endettement maximum de 35% en règle juridiquement contraignante est également un élément à prendre en compte. En menaçant les établissements bancaires de sanctions financières lourdes en cas de non-respect de cette limite, et en mettant au placard la notion de “reste à vivre” pourtant bien plus pertinente dans l’analyse d’endettement selon moi, l’Etat change la donne du marché bancaire puis par ricochet de celui de l’immobilier. Nous voyons ici les limites de l’intervention de l’Etat dans notre société moderne. Alors que le client particulier et la banque sont d’accords pour travailler ensemble, ils sont contraints de renoncer dans bon nombre de cas. Nous avons une explosion des refus de prêts immobiliers même sur des dossiers très solides mais atteignant un taux d’endettement entre 35-40%. Il est important de comprendre que le prêt immobilier est pour la banque un produit d’appel : en général, les établissements prêteurs ne gagnent rien ou presque rien en validant un prêt de ce type. En revanche, c’est pour elles un moment clé pour proposer d’autres services générateurs de marge comme les assurances (habitation, emprunteur, garantie accident de la vie…) par exemple. Aujourd’hui les banques peinent à maintenir leur base clients, élément essentiel de leur développement de réseau.
Vous êtes orienté vers le marché de l’ancien, principalement à Paris, et on observe des prix qui baissent ou qui stagnent. Doit-on attendre que les prix continuent de chuter avant d’acheter ?
La conjoncture économique actuelle ajoutée aux éléments précédemment évoqués mettent le marché immobilier en difficulté notamment sur la région Ile-de-France de manière général. De plus, l’aspiration de bon nombre d’acquéreurs à se tourner vers plus de nature et d’espace a favorisé la fuite des centres-villes et plus particulièrement des grandes villes comme Paris. On parle de l’effet Covid. Personnellement, je ne crois pas à une baisse du marché parisien et de sa petite couronne sur du long terme. De plus en plus d’entreprises reviennent, avec plus ou moins de difficultés, sur la notion de télétravail, des ménages partis en province reviennent progressivement dans les villes et le plus souvent pour des raisons professionnelles. Enfin, et pour répondre plus précisément à votre question, il ne faut pas attendre pour acheter sa résidence principale, secondaire ou locative. Il s’agit là d’un projet de vie et la notion de marché ne peut pas être l’élément de décision premier. Il faut acheter son lieu de vie lorsque c’est le bon moment d’un point de vue personnel, professionnel, familial… Et lorsque l’on dispose du budget nécessaire pour atteindre ses objectifs. Si vous souhaitez devenir propriétaire, allez-y. Un conseil cependant, faites-vous accompagner par un professionnel de l’immobilier.
Quelle serait la plus belle rencontre que vous ayez faite professionnellement ?
Il n’y en a pas une en particulier. Pour moi les plus belles relations professionnelles sont celles que j’ai avec les commerçants, artisans, professions libérales que je rencontre chaque jour. Toutes ces personnes qui se battent au quotidien pour faire exister leur savoir-faire, le faire connaître, qui affrontent les tempêtes de la conjoncture, qui travaillent parfois même le dimanche pour le bien de la communauté, qui investissent leur temps, leur argent, et qui prennent tous les risques. Je leur tire mon chapeau. Tous ces chefs d’entreprises doivent à mon sens être mieux accompagnés et notamment dans la transition numérique. La désertification de nombreux centres-villes, la concurrence purement web sont quelques exemples des enjeux auxquels ils doivent faire face. Il est essentiel de mettre en place des moyens pour leur permettre de faire connaitre leur existence et leurs compétences. Il faut que leurs talents et leur abnégation soient reconnus à leur juste valeur. C’est d’ailleurs à la demande de plusieurs commerçants que nous travaillons chez UbiHome un projet ambitieux sur le sujet qui pourra très prochainement répondre à ce besoin.
Concernant le marché de location cette fois, quelles tendances observez-vous ?
Le marché de la location subit deux phénomènes qui renforcent les tensions. Nous avons vu précédemment que le nombre de refus de prêt immobilier était en forte hausse. Ceci pousse un grand nombre d’acquéreurs à renoncer à l’achat, au moins durant plusieurs mois et pour une durée indéterminée. Ils restent donc ou redeviennent locataires. Dans le même temps, les règlementations plus contraignantes, notamment sur les DPE, vont faire sortir du marché plusieurs millions de biens locatifs. Certains bailleurs n’auront pas les moyens de faire réaliser les travaux nécessaires, d’isolation par exemple, pour pouvoir relouer leurs logements. D’autres seront découragés par ces nouvelles obligations et ne loueront plus, préférant la plupart du temps revendre. Si nous résumons, nous avons plus de locataires par la baisse du nombre d’acquéreurs éligibles au crédit, et une baisse significative de biens mis en locations. Ceci sur un marché déjà historiquement tendu, les choses s’annoncent complexes…
Vous êtes ministre du Logement dans un prochain gouvernement : que feriez-vous en faveur de l’immobilier et du BTP ?
Beaucoup de choses et il me sera difficile de toutes les citer ici. Sur le marché de l’immobilier, la législation évolue très vite. Elle est méconnue de l’immense majorité des particuliers et parfois même d’une partie de certains acteurs du marché. Pourtant l’achat ou la vente d’un bien immobilier n’est pas une chose anodine. Par conséquent, je renforcerais drastiquement les règles qui encadrent l’intégration de notre profession. Il serait comme dans la majorité des pays étrangers bien plus difficile d’obtenir une carte T ou G permettant l’exercice d’agent immobilier. Ceci permettrait d’éliminer les “mauvais élèves” et protègerait les plus compétents. A l’inverse, j’interdirais les transactions immobilières entre particuliers et j’imposerais l’intervention d’un professionnel comme c’est le cas aux Etats-Unis par exemple. En effet, ce type de transaction est devenu au fil des années de plus en plus complexe d’un point de vue juridique notamment. Les très nombreuses étapes d’une vente immobilière sont à chaque fois un moment de tension et de risque pour les deux parties, vendeur et acheteur. L’intervention systématique d’un expert du marché permettrait que ce dernier engage sa responsabilité sur le respect de toutes les règles régissant notre métier. Les litiges seraient moins nombreux et les particuliers mieux protégés. Certains, me direz-vous, répondront à ces propositions qu’il existe les notaires pour cela. Personnellement, je ne pense que cela soit suffisant. Les notaires, pour qui j’ai le plus grand respect, ont différentes missions. Ils sont les représentants de l’Etat dans des domaines très divers. L’immobilier n’en est qu’un parmi d’autres. Leur travail serait plus simple et encore plus efficace avec l’appui, encore une fois systématique, d’un professionnel de l’immobilier, à condition que ce dernier soit soumis à des règles de formation plus stricte qu’aujourd’hui. Le notaire ne voit jamais les biens pour lesquels il rédige les actes. Je pense que les compétences des notaires sont complémentaires à celles des conseillers immobiliers et qu’il faut rendre incontournable cette fusion de savoir-faire pour mieux protéger les particuliers. Enfin, impossible de ne pas traiter la problématique de la transition écologique. Le gouvernement a mis en place un échéancier de règlementation restrictives concernant les logements considérés comme passoires thermiques. C’est une bonne chose sur le papier. Mais, même s’il existe des dispositifs d’accompagnement, de nombreux propriétaires ou bailleurs vont se retrouver en difficultés avec ou une interdiction de louer leur bien, ou une dévaluation de ce dernier les limitant sensiblement dans la possibilité de revendre, et ceci sans toujours avoir les moyens de réaliser les travaux nécessaires. Il s’agit ici de plusieurs millions de logements rien qu’en Ile-de-France. Si la volonté politique est un réel changement de cap sur le sujet, il faudra y mettre les moyens pour accompagner ces propriétaires dans la transformation de leurs habitations. Il sera aussi nécessaire de revoir les règles de fonctionnement et de calcul des DPE. Une très bonne enquête de 60 Millions de Consommateurs démontre que d’un diagnostiqueur à l’autre, les résultats peuvent varier d’une à deux lettres (entre A et G) sur le même bien. Ceci peut avoir de très lourdes conséquences pour les propriétaires. Il serait sans doute intéressant de faire participer les acteurs principaux du marché (diagnostiqueurs, agents immobiliers et notaires) à ces changements et à la politique à mener dans ce domaine.
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